Petites histoires de nos chers santons…
L’Enfant Jésus : l’ Enfantoun.
Nouveau-né emmailloté, étendu à même la paille qui dessine autour de lui une couronne rayonnante, il symbolise l’innocence, la pureté, la fragilité et la lumière. Ce n’est qu’à minuit qu’on placera le petit jésus au centre de l’étable.
La Sainte Vierge : la Santo Vierge
Jeune femme agenouillée les mains jointes dans un acte d’adoration, elle est vêtue de bleu, simple et modeste elle porte un voile sur la tête. Elle incarne le bonheur, la maternité, l’amour, on la place à droite de l’enfant Jésus. Elle est la seule avec son mari Joseph, à porter des vêtements au début de notre ère, les autres santons ont des costumes du XIX ème siècle.
Saint Joseph : San Jousé
Placé à gauche du nouveau-né, il a souvent un genou à terre. Quelquefois il se tient debout dans une posture méditative. Ses longs cheveux tombent sur ses épaules, il porte la barbe, son costume brun taillé dans de la bure est à la mode franciscaine. Il a l’aspect d’un artisan un peu rude mais empreint de tendresse et de sérénité.
L’Ane : l’ase
C’est un petit âne gris à croix noire sur le dos. Il est allongé à la droite de l’enfant Jésus, les pattes repliées. C’est sans doute lui qui a porté Marie le long de la route conduisant à Bethléem.
L’âne était un animal familier, une bête de somme très répandue dans la campagne provenà§ale, il servait notamment d’auxiliaire au meunier, il transportait par les chemins de terre les matériaux, les denrées, et les gens. A ce titre, on le retrouve dans la crèche avec le meunier et c’est lui qui porte Margarido. Il symbolise la patience, le courage, l’humilité, et il n’est pas question ici de son caractère têtu.
Le bœuf : lou biou
Placé à la gauche de l’enfant Jésus à côté de Saint Joseph, il est allongé sur ses pattes et réchauffe de son haleine le nouveau-né. Si l’on en croit la légende, Saint Joseph aurait emmené le bœuf pour le vendre au marché et l’argent devait servir à payer le tribu de recensement après la naissance de l’enfant.
C’est à l’image d’un temps o๠les hommes vivaient dans l’intimité de la nature en harmonie avec les animaux.
L’ange boufarèu
C’est un angelot dodu, rose et joufflu, les ailes déployées il souffle à s’époumoner dans une trompette d’or pour éveiller le monde, et annoncer à tous la bonne nouvelle.
On le met en évidence haut perché sur une colline ou accroché dans le ciel ou encore sur le toit même de l’étable.
L’étoile : l’estello
Elle est avec l’ange boufareo๠l’autre manifestation de la présence des cieux à l’évènement. C’est une grande étoile rayonnante illuminant le ciel à l’heure de minuit.
Elle guide les pas de la foule. Ainsi dans la fameuse Ballade des santons :
Un soir alors
Paraît l’étoile d’or
Et tous les petits santons
Sortent de la boite en carton
Elle symbolise le mystère, apporte la touche du Merveilleux Divin. Elle indique aux bergers leur chemin dans la nuit, au cœur de laquelle elle dirige leurs pas vers l’Enfant-Dieu, afin qu’ils soient les premiers à l’adorer et à lui apporter leurs offrandes.
C’est elle que suivront les Rois Mages tout au long de leur périple.
Les rois mages :
Ils représentent les trois continents connus à l’époque, l’Europe, l’Afrique et l’Asie. Au XVème siècle, Balthazar est le noir, mais les seigneurs des Baux découvrent en Balthazar un de leurs glorieux ancêtres, et on décide qu’il ne peut être qu’immaculé. Gaspard devient l’Abyssin ( éthiopien ) et Melchior le Maure.
Dans l’ordre d’arrivée, Gaspard est le premier, portant un ciboire avec de l’encens, puis vient Melchior, apportant un coffret de myrrhe, et, fermant la marche, Balthazar, les bras chargés d’une urne pleine d’or.
Les Rois Mages sont des étrangers, dans les crèches parlantes ils s’expriment en français alors que les autres personnages s’expriment en provençal.
Les bergers :
Les bergers sont des personnages essentiels de la crèche, sans doute en raison de l’importance du rôle qu’ils jouent dans la vie économique de la Provence d’alors, terre d’élevage et de transhumance.
Mais aussi parce qu’étant proche du ciel et des étoiles, ils baignent dans le mystère.
Leur science est celle de la nature et de ses métamorphoses, ils connaissent les plantes et leurs secrets, lisent le temps et les évènements à venir dans la course des étoiles et sont souvent poètes et guérisseurs.
Il était donc juste que les bergers soient les premiers à voir briller l’étoile de la Nativité et la suivent pour arriver avant les autres à la crèche.
D’ailleurs, dans les premières crèches, outre la Sainte Famille, l’âne et le bœuf, il n’y avait, agenouillés en demi- cercle devant l’enfantoun, que des bergers, les autres santons n’y faisant leur apparition que plus tard.
Ils ont donné leur nom aux pastorales, et, dans la tradition des offrandes, dites pastrages, figurait l’agneau de Noël, symbole de la vie naissante.
Le Ravi : lou ravi
On dit qu’il doit être placé en premier dans la crèche car il porte bonheur.
On le place parfois à la fenêtre ou debout face au miracle de la Nativité.
Il est vêtu pauvrement d’habits rapiécés, il lève les bras au ciel, geste qui exprime parfois surprise et allégresse.
C’est un santon très familier auquel les Provençaux sont attachés, parce que c’est un pauvre innocent.
Il n’apporte rien d’autre que sa foi candide et le ravissement de ceux qui n’ont que les biens du cœur à offrir.
Le meunier : lou mounier
On le met sur le chemin tortueux qui descend de la colline, il a son bonnet blanc sur le côté, une large taillole entoure sa taille, il porte sur l’épaule un sac de farine. C’est un bon garçon de galoubet, toujours joyeux.
Le rémouleur : l’amoulaire
C’est l’aiguiseur de couteaux, de ciseaux. On le représente debout devant sa meule dont il actionne le pédalier.
Il arbore un large feutre vert et un tablier de cuir.
Viro bèn, toujours bèn !
Il témoigne de la vie rurale, c’est un itinérant, il va de village en village proposer ses services.
Le pêcheur : lou pescaire
Pêcheur de rivière, son bonnet rouge le protège du soleil. Il est debout la canne tendue, image même de la patience. On le place sur le pont enjambant le torrent ou sur la berge.
Il peut y avoir un autre pêcheur : lou pescadou, celui du bord de mer. Il est vêtu de bleu avec un tricot rayé, un long filet pend à son épaule, il porte sous le bras un panier d’osier plein de poissons argentés.
La fileuse : la filarello
Elle est debout, porte un grand chapeau noir, elle tient le fuseau enrobé de laine, elle file. En Provence, on travaillait également d’autres fibres comme le chanvre, le lin et la soie.
Le fil tiré de ses doigts représente la vie. On peut établir une relation avec la mort du Christ, comme si par la fileuse, sa mort s’inscrivait dès sa naissance, le fil dévidé devant servir à tisser la toile du Saint Suaire.
L’Homme au Fagot : lou bouscatié
Le bois jouait un rôle très important dans l’économie du village et des mas.
C’est un homme rude mais bon, son bois servira à chauffer la crèche. On peut le placer descendant vers l’étable, ou le laisser dans les taillis. Il ploie sous un lourd chargement de bois qui constitue son offrande.
La Poissonnière : la peissounièro
Solide petite femme au verbe haut, une main sur les hanches, elle porte un panier plein de poissons d’argent, sa balance romaine pourrait peut-être servir à peser les âmes de tout ce petit monde. Sa seule touche de coquetterie est le beau fichu couvrant ses épaules. Son offrande est particulièrement prisée en raison de la symbolique qui s’attache au poisson dans la tradition chrétienne.
Le Boulanger : lou fournié
Artisan vêtu de blanc, il porte sur l’épaule un panier plein de pains dorés, illustrant ainsi la signification du pain dans le monde chrétien.
Lou Tambourinaïre
Maître de la farandole, c’est tout le folklore de la Provence qui apparaît à sa suite. Son offrande est la fois modeste et sublime, elle tient toute entière dans sa bonne humeur, et dans les sons harmonieux et entraînants que son souffle joyeux tire du galoubet, pendant que sa main rythme la danse sur son tambourin. Il salue l’évènement du plus heureux matin et encourage la marche des autres santons.
Pistachié
C’est un garàçon de ferme un peu simplet, toujours amoureux. Il conduit l’âne où porte des pompes.
Bartoumiéu
est un ivrogne invétéré.
L’Aveugle et son fils : l’avugle e soun fiéu
C’est un couple de souffrance. Appuyé sur l’épaule d’un enfant qui lui montre le chemin et guide ses pas, l’aveugle incarne les maux qui frappent l’humaine condition et dont la guérison ne peut venir que de la clémence de Dieu. Le chemin de la crèche est celui de l’espoir.
Margarido
Toute gaie et proprette, est assise sur son âne gris, son grand panier posé derrière elle, est recouvert d’un torchon qui dissimule son offrande aux yeux des curieux.
La Femme au fagot : la bouscatiero
Vielle femme au dos courbé, pauvrement vêtue, elle porte avec peine un gros fagot de bois mort. Ce modeste fagot est son offrande, le fruit de son labeur.
La lavandière : la bugadiero
A côté des offrants, il y a tous ceux qui poursuivent leurs activités. Ils ne sont pas sourds au message divin, et le travail souvent pénible auquel ils se livrent a valeur de prière. La lavandière, humble femme du village, agenouillée en train de battre le linge sur la pierre du lavoir ou au bord du ruisseau, en est la vivante illustration.
La femme à la tresse d’ail : la marchando d’aiet
Elle marche courbée, à sa main gauche pend une longue tresse d’ail, à son bras droit un panier d’herbes de Provence.
La femme au berceau : la femo au brès
Elle a pris ce qui a semblé le plus précieux, le plus utile à son instinct de mère : le berceau Elle le porte sur la tête ou dans ses bras pour l’offrir. Il faut à l’Enfant-Dieu une couche plus digne que la mangeoire garnie de paille, voici le berceau rustique taillé dans le bois de ses arbres .
Elle porte des vêtements simples, et personnalise l’amour maternel.
La porteuse d’eau : la femo a la dourgo
De sa main droite elle maintient en équilibre sur sa tête une cruche de terre cuite vernissée. L’eau qu’elle porte est le précieux symbole de la vie sur ces collines le plus souvent vouées à la sécheresse. L’eau représente une richesse, elle est précieuse et respectable.
La femme aux olives et à la fougasse
Femme modeste, vêtue à la mode paysanne, elle sait qu’elle n’offre pas un riche présent, mais il est donné de bon cœur.
Li viéi, Grasset e Grassetto
Couple attendrissant, ils marchent en se tenant par le bras, ils ont mis leurs plus beaux habits pour honorer le Seigneur. Ils portent un panier de friandises. Ils se reposent souvent sur un banc.
Lou boumian
Personnage inquiétant, marginal, il marque la présence des nomades, il porte des vêtements criards, un couteau à la ceinture. Il peut être accompagné de la bohémienne avec un panier en osier ou un enfant qui lui tien la main. C’est le symbole de l’égalité des hommes devant Dieu.
Le maire : lou conse
Ce personnage est apparu dans la crèche en 1837, il est l’unique notable, et tranche un peu avec son costume et son air empesé. Il tient un registre de naissance de la main gauche et une canne de l’autre. Il éclate d’orgueil, et sans doute songe-t-il qu’il a d’autres affaires plus urgentes à traiter que cette naissance de pauvres.
Le chasseur : lou cassaire
On peut s’étonner de trouver ce personnage dans la crèche, acte d’adoration, célébration de l’amour des créatures, mais il fait partie de la tradition provençale et la crèche restitue la vie rurale. Il tien son fusil et sa besace en bandoulière.
Et bien d’autres personnages encore!
La plus belle crèche est encore la plus simple, celle qui respecte la tradition sans ajout excessif.
Beaucoup de personnages qui n’ont pas grand-chose à faire là , sont en effet venus pervertir la farandole des santons. Les nouveaux doivent être liés à la culture provençale.
La tradition évolue, elle est vivante mais n’allons pas au-delà …